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SIMCA l'hirondelle automobile

Au début du XXe siècle, le coureur cycliste français Ernest Loste prend sa retraite. Il ouvre à Paris un garage automobile. En 1907, il signe un partenariat avec la marque italienne Fiat et devient le distributeur exclusif des automobiles Fiat en France. Les affaires fleurissent à tel point que Fiat ne souhaite plus laisser un petit garage distribuer ses produits. En 1926, Fiat crée la SAFAF (Société Anonyme Française des Automobiles Fiat) qui gère la vente de voitures en France. Le groupe nomme Ernest Loste au poste de président. Cependant étant actionnaire minoritaire, il ne pèse pas dans les décisions, qui sont prises. C'est un jeune turinois Enrico Teodoro Pigozzi, qui dirige réellement l'entreprise.
Dans les années 1930, face à la crise économique mondiale, les Etats se replient sur eux-mêmes. Dans le cadre de mesures protectionnistes, les droits de douane augmentent. L’importation des voitures Fiat n’est plus rentable. Pigozzi réussit à convaincre le groupe de délocaliser toute la chaine de fabrication des voitures en France, du façonnement des pièces jusqu’à l’assemblage. Il francise son prénom en Henri Théodore pour contrer les sentiments xénophobes parcourant la société. En 1932, la SAFAF devient la Société Anonyme Française pour la fabrication en France des automobiles Fiat. Pigozzi met en place un réseau de sous-traitants qui produisent les pièces. Ses ateliers de Suresnes se chargent de les assembler. Les 6CV SAFAF, inspirées de la Fiat 508 Balilla, portent sur la calendre la mention « fabrication française ». Ce modèle connait un vif succès. Pour Fiat, il devient indispensable de disposer de véritables complexes industriels en France.

Le 2 novembre 1934, Fiat crée, par l’intermédiaire du comte Henri Amaury de Jacquelot du Boisrouvray, la Société Industrielle de Mécanique et Carrosserie Automobile (SIMCA), qui remplace la SAFAF. Tous les actionnaires sont français. SIMCA rachète l’usine Donnet à Nanterre et des ingénieurs italiens la réaménagent. Roger Fighiéra est nommé président de SIMCA et Henri Pigozzi directeur général. Les premières voitures SIMCA-Fiat sortent des usines de Nanterre en juillet 1935. La gamme comprend deux modèles : la SIMCA-Fiat 6CV clone de la Fiat 508 Balila et la 11CV clone de la Fiat 518 Ardita. Puis en 1936, sort la Simca 5 clone de la Fiat 500 Topolino. Les voitures de la marque SIMCA-Fiat sont des copies des versions italiennes de Fiat, mais entièrement fabriquées en France. Grâce à ses techniques modernes de fabrication, de promotion et de gestion des produits, SIMCA devient le quatrième constructeur français. En 1938, la marque se dote d’un nouvel écusson. Il s’orne d’une hirondelle faisant référence au slogan de ses voitures : « un appétit d’oiseau ». Le nom de Fiat disparait pour ne pas porter préjudice à la marque. La xénophobie, notamment envers l’Italie fasciste, prend de l’ampleur en France.
Durant l’occupation, les Allemands obligent les entreprises à participer à l’effort de guerre. Les usines d’automobiles doivent fabriquer des véhicules militaires et se voient affecter un administrateur désigné par les Allemands. Du fait que l’Italie soit membre de l’Axe, SIMCA obtient que son administrateur soit un personnel Fiat. Sa production reste libre. Ce traitement de faveur s’estompe en 1943, lorsque l’armée allemande connait des revers. Désormais, l’usine SIMCA de Nanterre est affectée à la maintenance des véhicules militaires et à la fabrication de chenille de tanks.
A la libération, SIMCA intègre la Générale Française Automobile (GFA), un consortium dont le but est de rationaliser la fabrication automobile. En 1946, Pigozzi réussit à faire échouer le projet de la SIMCA-Grégoire prévu dans le plan gouvernemental et reprend la tête de l’entreprise. Il échappe à la nationalisation et aux contraintes du gouvernement. La marque sort la Simca 5 et la Simca 8. La première est améliorée en 1947 et devient la Simca 6. Néanmoins, ce modèle ne rencontre pas le succès escompté et souffre de la concurrence de la Renault 4CV. Cette dernière est vendue moins chère à cause du prix imposé par le gouvernement et présente l’avantage d’offrir quatre portes. Dans les années 1950, Fiat et SIMCA profitent de l’aide financière du Plan Marshall pour sortir la Fiat 1400 et sa sœur la SIMCA 9 Aronde, qui rencontre un vif succès.
En 1954, Pigozzi devient le PDG de SIMCA. L’entreprise, en pleine croissance, cherche un nouveau lieu pour s’implanter, car l’usine de Nanterre est devenue trop petite. Pigozzi lorgne du côté des usines Ford situées à Poissy. Le constructeur américain connait des difficultés. En effet, les modèles américains s’adaptent mal au marché français. Leur moteur consomme trop d’essence. Un accord est trouvé. SIMCA accroit grandement sa production grâce à ses nouvelles usines et hérite en plus des plans de la Ford Vedette. Piggozi se diversifie en acquérant en 1955 la société UNIC qui fabrique des camions et la création de la SOMEC pour la fabrication de matériel agricole. SIMCA devient le deuxième constructeur français derrière Renault. Au début des années 1960, Piggozi rachète le constructeur Talbot et ses usines de Suresnes. 200.000 voitures sont fabriquées chaque année. En 1961, Pigozzi sort des usines de Poissy la Simca 1000, qui rencontre un long succès jusqu’en 1978.

En 1958, Chrysler rachète les parts du capital détenues par Ford et en acquière d’autres. Le constructeur américain devient actionnaire à 25% de SIMCA. En 1962, Fiat entend profiter de la création du marché commun européen pour créer sa propre filiale en France. Elle se sépare de SIMCA et revend ses parts à Chrysler, qui devient l’actionnaire majoritaire avec 62% des parts. Piggozi est démis de ses fonctions. Il meurt l’année d’après. Georges Héreil, ancien patron de Sud-Aviation, lui succède. Il doit lutter contre la direction américaine pour sortir la SIMCA 1100, car ces derniers préféraient commercialiser en France des voitures de la marque Chrysler et ne pas encombrer le marché. La SIMCA 1100 sort en 1967 et se vend à deux millions d’exemplaires jusqu’en 1981. En 1970, Chrysler rachète les parts encore détenues par Fiat. La société SIMCA est rebaptisée Chrysler France, mais la marque demeure. Le constructeur néglige les investissements dans l’évolution de ses mécaniques et se retrouve en difficulté sur les marchés européens. En août 1978, Chrysler revend l’ensemble de ses filiales en Europe. Peugeot PSA, avec le soutien du gouvernement, rachète Chrysler France. En 1979, le constructeur français décide de supprimer la marque SIMCA et de la remplacer par Talbot, qui disparaitra à son tour en 1985. En 2004, un musée dédié à SIMCA ouvre ses portes sur le centre technique PSA de Carrières-sous-Poissy. Il est entretenu par l’association l’Aventure Automobile à Poissy – CAAPY.

Sources
Texte : Visite du musée SIMCA, Carrières-sous-Poissy, CAAPY, septembre 2014.

Image : img.kazeo.com

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