Accéder au contenu principal

Le Vasa : vaisseau amiral suédois

En 1626, la Suède protestante déclare la guerre à la Pologne catholique. Sa flotte est vétuste et elle perd de nombreux navires. Le roi Gustave Adolphe II décide de reconstruire sa flotte, dont le navire le plus puissant portera le nom de la dynastie régnante : Vasa.
Le roi passe commande à deux ingénieurs hollandais Henrik Hybertsson et Arendt de Groote. Le premier travaille en Suède depuis vingt ans. Il a déjà construit des navires pour la couronne. A l’époque, les Hollandais sont réputés pour être les meilleurs ingénieurs navals d’Europe. Les deux hommes doivent construire 80 navires en quatre ans, dont le Vasa. Le budget alloué au vaisseau amiral équivaut à 25% des revenus du pays.
Stockholm comprend un port et des chantiers navals. Ils sont installés à quelques centaines de mètres de la vieille ville sur la presqu’île de Blaisy Olsun en face du palais. Employant 400 personnes, il s’agit de la plus grande entreprise de la ville. Plusieurs langues s’entendent dans l’arsenal, car les ingénieurs viennent pour la plupart de l’étranger. Les outils et les chevilles en fer sont fabriqués sur place dans les forges. Le chantier naval emploie aussi des femmes. Elles fabriquent les chandelles utilisées sur les navires et tissent les voiles. Les navires sont fabriqués en chênes abattus exclusivement sur ordre de la couronne en hiver et traîner jusqu’au fleuve pour être remorqués. Le type de bois varie en fonction du navire construit.

Le 2 novembre 1626, Henrik Hybertsson s’attèle à la construction des deux plus petits navires et commande le bois en conséquence. Néanmoins souhaitant rapidement impressionner ses ennemis, le roi insiste pour faire du Vasa la priorité. Le bois choisi n’est donc plus adapté. Il faut repartir à la coupe. De plus, le bateau est financé à crédit. La couronne ne paiera qu’une fois le navire livré. Hybertsson doit avancer l’argent. Il s’en plaint à plusieurs reprises au palais. Arendt de Groote emprunte des sommes importantes auprès de banquiers hollandais.
En mai 1627, Henrik Hybertsson décède de maladie. Son épouse Margaretha lui succède. Une veuve est autorisée à reprendre les affaires de son mari. Elle doit faire face à des grèves. Les ouvriers, n’ayant pas été payés depuis plusieurs mois, refusent de poursuivre le travail. Les grèves étant interdites, les meneurs sont pendus. Le 16 janvier 1628, Gustave Adolphe II se rend sur place pour constater l’avancement des travaux. Bien que la coque soit achevée, le roi s’étonne du retard accumulé et de la mauvaise gestion du chantier. Margaretha rétorque qu’elle a des problèmes de trésorerie dus au fait que le roi n’a pas payé. Le budget prévu pour le Vasa est de 40.000 dallers, or la coque en a déjà coûté 53.000.

Henrik et Margaretha Hybertsson emploient la méthode hollandaise qui consiste à assembler les planches de la proue et de la poupe puis à monter le bordage. Mille chênes et 8000 chevilles en fer sont nécessaires à sa construction. Le cordage, en chanvre de Lettonie, est fabriqué à la corderie de Rikanonberg. Il s’agit d’un ancien monastère transformé dans lequel des orphelins travaillent en échange du gîte et du couvert. Les grues chargent les 64 canons, qui se répartissent sur les deux ponts inférieurs, et les 2000 tonneaux de nourriture soit des rations pour deux mois. Des ouvriers marchent dans d’énormes roues pour treuiller les câbles. Les habitants défilent sur le quai pour admirer ce gigantesque navire mesurant 50 mètres de haut pour 69 de long et comportant dix voiles. La poupe est décorée de motifs dorés et ornée de sculptures peintes avec des couleurs vives. Le but est de montrer la puissance et la richesse de la Suède. Söfrig Hannson est nommé capitaine du vaisseau.

En juillet 1628, le navire est enfin prêt. Néanmoins, les pluies abondantes et les vents violents ne permettent pas une sortie du port. Un navire de ce calibre est difficilement manœuvrable. Le dimanche 10 août 1628, les conditions météorologiques sont réunies. Les habitants se pressent sur le quai pour assister au spectacle. Pour son voyage inaugural, le Vasa rejoindra la petite ville de Bagson située à une vingtaine de kilomètres. A cette occasion, les femmes et les enfants des marins reçoivent l’autorisation de monter à bord. Ils descendront à Bagson, où des soldats doivent embarquer pour combattre en Allemagne.
Le vent est si faible qu’il faut haler le Vasa hors du port. Au bout de deux heures, les grandes voiles sont hissées et la salve traditionnelle est tirée. Le navire est instable et tangue trop. Une rafale de vent brutale le penche. L’eau s’infiltre par les sabords. Le bateau pique vers l’avant. Les matelots déplacent les canons pour faire contrepoids, mais il est déjà trop tard. Les personnes du pont inférieur périssent noyés. L’équipage se résout à quitter le navire. Vers 18 heures, le Vasa a sombré. Sur les 130 personnes à son bord, 40 décèdent.

Le grand amiral envoie une lettre au roi parti guerroyer en Allemagne, pour l’informer du drame et lui signifier qu’il ouvre une enquête sur les circonstances du naufrage. Söfrig Hanson est emprisonné. Interrogé, le capitaine affirme que le Vasa comportait trop de défauts de fabrication et réagissait mal aux manœuvres. Il est libéré contre caution et chargé du renflouage du navire, c'est-à-dire repêcher l’épave gisant à trente mètres de profondeur. L’opération s’avère trop difficile et seuls les canons sont remontés à la surface.
Le 5 septembre 1628, le Grand-amiral préside une commission chargée de châtier les coupables. Erik Kremer, le Vice-amiral était présent à bord. Accusé d’avoir manqué à ses fonctions, il répond qu’il est descendu aider l’équipage à déplacer les canons pour faire contrepoids et qu’il a failli se noyer. Il ajoute qu’il n’est pas marin de métier qu’il n’avait en charge que l’armement du vaisseau. Il conclut en rappelant que les questions de navigation sont du ressort du capitaine et de son second. La commission le convoque. Lui et le capitaine ont constaté que le Vasa était un navire instable. Il raconte que l’Amiral Klas Fleming a interrompu un essai de roulis de peur que le navire chavire dans le port. La commission convoque Arendt de Groote et l’interroge sur les erreurs de conception. Il a suivi les instructions du roi à la lettre. La commission ne peut désigner un responsable et classe l’affaire. Cependant, Margaretha Hibernsold est renvoyée du chantier naval et ses livres de compte sont saisis. Son fils est arrêté et probablement exécuté, car il n’y a plus aucune trace de lui après le procès. Arendt de Groote quitte la Suède.


L’épave, redécouverte en 1950, est remontée le 24 avril 1961 sous les yeux du roi Gustave Adolphe VI, descendant de Gustave Adolphe II qui n’a jamais vu ce navire. Les recherches récentes ont démontré que le navire présentait un défaut d’équilibrage. Compte tenu du gabarit du navire, il aurait fallu 220 tonnes de pierre pour lester correctement le navire. Or vu la dimension de la cale, il n’a été embarqué que 120 tonnes de pierre. Entreposé au Musée Vasa et reconstruit à 95%, il présente une imagé figée d’un navire européen du XVIIe siècle et constitue une attractivité culturelle de la ville de Stockholm. De nos jours, le syndrome de Vasa désigne l’échec d’un projet faute de communication et de prise de responsabilité des différentes personnes impliquées.


Sources
Texte : WAHLGREN Anders, Stockholm 1628 : l’aventure du Vasa, Suède, 2011, 100min.
Image : http://mondesetmerveilles.centerblog.net/243-le-navire-le-vasa?ii=1

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles