Accéder au contenu principal

Quand la Beauté devient Criminelle: Le jugement de la merveilleuse Phryné


Le corps de la femme parle souvent pour elle. Il est un ambassadeur incontournable. Par sa prestance et son allure, la femme peut imposer bien plus de respect que si elle devait parler pendant des heures pour le faire. L’homme n’a parfois besoin que d’un regard pour jauger du pouvoir d’une femme. Je ne parle pas ici d’un regard pervers qui se poserait au hasard de ses fourberies sur le déhanché d’une gente demoiselle et qui s’aviserait de la siffler si il la trouvait à son goût. Nous parlons ici de la quintessence même de l’enveloppe charnelle du beau sexe.  Elles sont légions les ambassadrices de la beauté qui demeurent encore célèbres pour leurs attraits. D'Hellène de Troie jusqu’à Kate Middleton, les femmes ont souvent été louées dans l’Histoire et la Littérature parce qu’elles étaient avant tout belles ! J’entends déjà les féministes s’étouffer de rages ! Il est certain que Sappho, Hypatie ou Christine de Pizan doivent avant tout leur éternité pour leur savoir plutôt que pour leur physique ! Quoi que l’un n’empêche pas l’autre ! 

On ne m’objectera pas – malgré l’amour indéfectible que j’éprouve pour elles – que la plupart des femmes connues de leur temps le devaient pour leur physique. Cela n’est pas étonnant si on considère le monde d’alors comme étant dominé par l’intelligencia masculine.

Pour illustrer mes propos, laissez-moi vous conter l’anecdote de la vie de Phryné d’Athènes, belle, merveilleuse, extraordinaire et même divine représentante de ce que la nature a fait de plus beau sur cette terre. 

Elle vécue au IVe siècle av. notre ère et est une contemporaine d’Alexandre le Grand. Très jeune, la belle Phryné se rend dans la cité d’Athènes pour y faire fortune. Celle qui a le teint jaunâtre sait ce qu’elle veut. Elle est décidée à demeurer libre et autonome. Or, rare sont les domaines où une femme peut exercer et vivre sans un mari. Consciente de ses attribues et de sa finesse d’esprit, elle se tourne vers le métier d’Hétaïre qui consiste à offrir aux hommes une compagnie plus ou moins longue dans le temps. Elle sait également charmer les sens de ses clients en dansant, chantant et jouant de la musique. Grâce à sa beauté, elle se fait vite remarquer par de riches hommes, mais c’est la forme parfaite de son corps qui la fera traverser le temps, l’espace et les cieux. En effet, les artistes les plus célèbres de l’époque, comme le fameux sculpteur Praxitèle ou le peintre Appelle, l’utilisent comme le modèle de référence pour représenter la déesse de l’amour Aphrodite.

Phryné devient célèbre et on se l’arrache. La belle fait fortune et commence à avoir la tête qui gonfle car rien ne semble lui résister ! Elle est l’incarnation physique de la plus belle des locataires de l’Olympe et veut réaliser des exploits telle une déesse. Originaire de Béotie, elle reste meurtrie par la destruction de Thèbes par Alexandre en 336. Cet acte  sanglant avait alors pacifié toute la Grèce révoltée contre le jeune roi macédonien. Elle offre de reconstruire à ses frais une partie de la cité si les bâtisseurs y gravent dans le marbre que Thèbes a été « Détruite par Alexandre, rebâtie par Phryné, l’hétaïre ». Le monde n’était pas encore prêt à une telle concession : le projet est annulé !

Mais Phryné a d’autres ambitions. Après la bâtisseuse vient le temps de la religieuse. À une époque où le syncrétisme religieux était courant (Amon l’Égyptien est assimilé à Zeus le Grec ou encore à Marduk le Babylonien), Phryné tente d’introduire de nouvelles divinités ainsi que leur culte dans le panthéon déjà bien rempli des Athéniens. Là, cela va trop loin ! Phryné essuie de nombreuses remontrances. Athènes n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut un siècle plus tôt avec Périclès. Elle a été vaincue par les Spartiates et les Macédoniens et vit depuis l’avènement de Philippe II sous la domination du royaume de Macédoine. Son fils Alexandre, pendant son odyssée orientale, tient en otage de nombreux Athéniens et les légions macédoniennes font planer une menace perpétuelle de destruction. Il faut donc de la stabilité dans la cité. Or, Phryné est bientôt accusée d’impiété ainsi que de vouloir corrompre la jeunesse.

L’anecdote veut que se soit un amant éconduit qui l’a dénonce. Comme Socrate en son temps, elle doit passer devant un collège de juges déjà convaincus par sa culpabilité. Elle est défendue par le grand orateur Hypéride qui, au demeurant, est son « compagnon » (hetairoi) du moment. Ce proche de Démosthène ne vient pourtant pas à bout de la résolution des juges. Ceux-ci n’en démordent pas : elle est coupable ! A court d’arguments et sentant bien l’impatience des bourreaux, Hypéride joue le tout pour le tout : d’un geste théâtral, il arrache la tunique de sa cliente pour livrer le corps de l’accusée à l’admiration des juges. Il s’exclame alors :

« Lequel d’entre vous oserait supprimer du monde celle qui a servi de modèle à l’immortelle Aphrodite de Cnide* ».


Un murmure monte. Tout ce petit monde est charmé : elle est finalement acquittée !   

Socrate était bien plus savant et intelligent… mais qu’il était laid ! Comme quoi la perfection corporelle vaut mieux – parfois - que mille discours !


* Statuaire demeurée célèbre car réalisée par Praxitèle et représentant Aphrodite à Cnide.  Elle est la première représentation connue de la nudité féminine dans la statuaire grecque

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles