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La révolte des bonnets rouges



D'avril à septembre 1675, des émeutes secouent la Bretagne et plus particulièrement l'ouest de la province. Les émeutiers, la plupart paysans, portent des bonnets rouges ou bleus (en pays bigouden). Cette révolte est également connue sous le nom de Torreben (casse-tête en breton).

En avril 1675, la France est en guerre contre les Provinces-Unies (actuels Pays-Bas). La Bretagne est un théâtre d’opération militaire, car cette guerre est en grande partie navale. Pour la financer, la couronne mobilise des ressources financières. En avril 1674, tous les actes juridiques et notariaux doivent être rédigés sur papier timbré aux fleurs de lys, tarifié suivant le format et la nature de l’acte. Une telle mesure élève le prix de la juridiction au détriment des usagers et risque de diminuer le nombre d’affaires des officiers. En septembre 1674, un édit instaure une taxe de 20 sous sur chaque livre de tabac. Cette mesure mécontente les Bretons habitués à fumer la pipe et à chiquer. Dans le même temps, est instaurée une taxe d’un sol sur tous les objets en étain. Cette mesure touche plus particulièrement les classes populaires dont la vaisselle est en étain. Ces créations de taxes pèsent encore plus lourd, car la Bretagne connait une récession économique, qui se fait sentir sur le commerce et l’industrie. Cette situation se traduit par une baisse des prix et donc des revenus. Les seigneurs sont contraints d’exiger davantage de leurs droits en argent ou en nature.

Le 18 avril 1675, les bureaux de la distribution du tabac, de la marque d’étain, du papier timbré et du domaine de Rennes sont pillés. Le mouvement se répand dans les jours qui suivent à Saint-Malo et à Nantes. A Briec, dans le Finistère, 2000 paysans mettent le feu à une aile du château de La Boissière. Les bonnets rouges sèment la terreur dans toute la province. Sébastien Le Balp, un notaire de Carhaix, dirige des groupes d’émeutiers dans la région de Carhaix et de Pontivy. Le 23 juin, des paysans pillent le manoir de Cosquer, près de Pont-l’Abbé, et blessent mortellement le sieur Euzenou de Karsalaun. Le château de Douarnenez est attaqué et des gardes tués. Les paysans se soulèvent face aux mesures prises par les seigneurs pour compenser la baisse des prix, la diminution du commerce et la raréfaction de l’argent. Au mois de juin, un code paysan du pays d’Armorique est rédigé, afin d’établir un nouveau règlement dans les campagnes bretonnes concernant les charges, les droits, l’organisation religieuse et judiciaire. Les paysans revendiquent un allègement de leurs charges, notamment les corvées, les dîmes, les champarts. En revanche, ni le système de propriété, ni la légitimité de la noblesse, ni le pouvoir royal ne sont remis en question. Le manoir du duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne est pris à partie. Le duc réussit à apaiser les esprits. Dans une lettre adressée à Colbert, le duc de Chaulnes accuse le Parlement d’avoir laissé les émeutiers agir. Il est vrai que les membres du Parlement sont directement touchés par la taxe sur les actes juridiques.

Aucune revendication paysanne n’est suivie d’effet et le gouverneur est chargé de pacifier sa province. A ce titre, il reçoit d'importants contingents militaires. Pour le gouvernement, il est important que la Bretagne soit pacifiée rapidement, car il craint que les insurgés s’emparent d’un port et permettent un débarquement hollandais. La province fulmine, car normalement elle est exemptée de l’obligation de loger les soldats. Le duc de Chaulnes se met en route avec ses troupes et investit villes et villages. Il ordonne la destruction des clochers des églises qui ont servi de tocsin pour la révolte. Les émeutiers sont pendus ou envoyés aux galères. Le 3 septembre, Sébastien Le Balp est tué lors de l’attaque du château du marquis de Montgaillard à Thymeur. Sa mort est un coup rude pour les révoltés qui perdent leur leader. Le 12 octobre, 6.000 soldats pénètrent dans Rennes. Le Parlement est transféré à Vannes. La milice bourgeoise est démantelée et la ville doit payer une taxe pour l’entretien de la troupe. Les Etats de Bretagne réunis à Dinan en novembre, votent sans difficulté un don de trois millions de livres à la Couronne. Le 5 février 1676, le roi accorde une amnistie générale à la Province et les troupes s'en vont en mars.

La répression laisse de profondes séquelles. Les campagnes vouent une haine aux villes, incarnation de l'Etat. Pendant la révolution française, les régions soutenant la république coïncident avec celles de la révolte du papier timbré.

Sources
Texte : CORNETTE Joël, Histoire illustrée de la Bretagne et des Bretons, Seuil, Paris, 2015, pp191-201
Image : http://npa29.p.n.f.unblog.fr/files/2013/11/bonnets-rouges-f.jpg

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