Accéder au contenu principal

Qui est Philippe IV le Bel ?




Philippe IV le Bel est roi de France de 1285 à 1314. Il est le fils de Philippe III et de Louis IX récemment canonisé. Il règne sur le pays le plus puissant d'Europe. La France compte entre seize et vingt millions d'habitants et connait une période de paix et de prospérité économique, qui vont permettre roi de France de peser sur la scène européenne. De nombreuses affaires éveillent en chacun de nous le règne de Philippe IV : les manipulations monétaires, l'expulsion des Juifs pour s'emparer de leurs biens, la suppression de l'Ordre du Temple aussi bien pour des raisons religieuses que financières, les luttes contre le Pape Boniface VIII et le célèbre épisode d'Anagni, la conquête de la Flandre et la défaite de Courtrai, la rivalité avec Edouard II d'Angleterre sur la question d'Aquitaine. Le 4 novembre 1314, Philippe IV fait une chute de cheval causée par accident cérébro-vasculaire. Il se fracture la jambe. Rapatrié à Fontainebleau, il meurt le 29 novembre à l'âge de 46 ans. Son fils Louis X le Hutin lui succède.

Philippe IV est un homme très difficile à cerner. Cependant, il est permis d'affirmer quatre points : il est beau, il parle peu, il est très pieux, il aime la chasse.
La beauté du roi est reconnue unanimement par ses contemporains. Faute de représentation réelle, il faut se contenter des témoignages écrits. Selon les chroniqueurs, le roi est grand, blond, musclé et offre un visage harmonieux.
Philippe IV est avare de mots. Il parle très peu. Ses réponses sont laconiques, quand il ne laisse pas tout simplement la parole à ses conseillers. Cette attitude déroute ses contemporains encore plus lorsqu'il s'agit de grandes assemblées. On l'a souvent cru timide, désintéressé et manipulé par ses conseillers. Il pourrait s'agir d'une posture visant à impressionner son interlocuteur et à signifier sa posture royale en se plaçant sur un autre plan que ses sujets.
Philippe IV est très pieux. Sans parler de donations aux ordres et monastères, il effectue plus de pèlerinages que ses contemporains. Tous ses contemporains sont unanimes sur sa dévotion, son obsession de la pureté, son implication dans le culte des reliques et sa passion pour la sainteté de son grand-père Louis IX. Il mène une vie austère, qui tend parfois au fanatisme. En tant que roi, il doit utiliser le temps qu'il a sur Terre pour conduire son peuple sur la voie du salut.
Philipe IV est un grand chasseur. Cette pratique accapare beaucoup de son temps. Il arrive parfois que ses conseillers le recherchent dans les forêts. En revanche, la chasse nécessite préparation, méthode et persévérance. Ces trois mots résument la manière dont Philippe IV traite ses dossiers. Il n'agit que s'il est certain du résultat, d'où une longue préparation, réflexion et concertation. Cette manière de procéder lui a souvent été reprochée et donne de lui l'image d'un homme hésitant, timide et peu concerné. Philippe IV préfère la chasse à la guerre. Une seule fois, il a conduit son armée en personne. Il juge que bien souvent le résultat d'une bataille est aléatoire.

Philippe IV est très attaché à ses proches. Il demeure fidèle à sa femme Jeanne et est profondément affecté par son décès. Il soutient son frère Charles de Valois malgré ses nombreux échecs à l'étranger. Il est autoritaire et très protecteur envers ses trois fils, ce qui explique qu'il prend comme une attaque personnelle l'infidélité de ses belles-filles.
Les conseillers du roi sont accusés des maux du royaume. Flore, Aycelin, Nogaret, Plaisians et Marigny sont des amis intimes de Philippe IV, qui ont fait leurs preuves et qui ont gravi les échelons. Philippe IV a toute en confiance en ces hommes avec lesquels ils partagent les mêmes points de vue. Il n'hésite pas à déléguer. Néanmoins, ses conseillers n'agissent jamais sans l'accord du roi.
  
Quel bilan est-il possible de dresser du règne du Bel ? Tous les grands dossiers se sont soldés par des compromis et non par des victoires nettes. La question d'Aquitaine, non réglée, déclenchera la Guerre de cent ans. La Flandre n'est pas pacifiée. Le procès de Boniface VIII est tombé à l'eau. Les Templiers ont certes été supprimés, mais leurs revenus sont transférés aux Hospitaliers. La Croisade n'aura pas lieu. Bernard Saisset, Bernard Délicieux et Guichard de Troyes ont échappé à la justice royale. Les caisses de l'Etat sont toujours vides.
Néanmoins, le règne de Philippe IV marque une avancée profonde dans l'affirmation de l'Etat royal. Le droit romain bouscule les coutumes féodales et provinciales. L'unification juridique du royaume rencontre l'animosité de la noblesse et du peuple. Cette avancée se concrétise matériellement. Le roi dessine les frontières du royaume sur lequel il entend régner. En 1299, il ratifie un traité avec l'Empereur définissant de manière plus concrète les frontières. Des bornes sont installées. Il acquiert par achats, dots, confiscations et donations des territoires complétant les interstices entre les parties du royaume. Les fonctions de directions sont exécutées dans le Palais de la Cité à Paris, qui regroupe les services administratifs, financiers et judiciaires. De ce fait, la ville attire les nobles, les étudiants, les docteurs en droit et en théologie, devenant ainsi l'une des villes les plus importantes d'Europe. L'Etat se distingue de la personne physique du roi, car Philippe IV n'est pas souvent dans sa capitale. Son administration fait preuve d'une incroyable efficacité. Ses ordres sont exécutés sans sa présence et simultanément dans tout le royaume, comme le prouve l'arrestation des Templiers. Philippe IV s'est efforcé de limiter les interventions extérieures dans le royaume et tout particulièrement celle de l'Eglise. Il a connu six papes de son vivant, dont un Français résidant en Avignon. A une époque où la Papauté accumule les difficultés de succession et les erreurs morales, le roi de France choisi par Dieu entend être le maître de l'Eglise de France.

Philippe IV ne laisse pas l'image d'un conquérant, d'un mécène ou d'un bâtisseur. Son apport se situe dans la mise en place d'une administration et la centralisation du pouvoir. Des éléments moins visibles que son physique avantageux qui lui a valu son surnom de Philippe le Bel.

Voir notre article sur l'attentat d'Agnani

Sources
Texte : Georges MINOIS, Phillippe IV, Perrin, Paris, 2014, 736p.

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles