Accéder au contenu principal

Histoire synthétique de Chypre


Une île convoitée par toutes les puissances de Méditerranée
Les premières traces de peuplement de l'île remontent vers -5300. Les archéologues ont retrouvé dans des villages un outillage en pierre varié, des coupes, des jarres et des idoles en forme de disque. Les morts sont enterrés sous les maisons. La présence de lames en obsidienne prouve l'existence d'échanges commerciaux maritimes, car ce matériau n'existe pas sur l'île. Les premières poteries datent de -4500. Les plus belles sont décorées d'ondulations. Des mines de cuivre sont exploitées dès -2300 pour la fabrication du bronze.
L'île est le cœur des échanges de la Méditerranée orientale. Les Crétois, qui installent des comptoirs commerciaux à Chypre, apportent la culture grecque. Les villes, l'artisanat et le commerce se développent. En -707, l'île devient possession assyrienne jusqu'en -650, avant de tomber dans le giron de l'Egypte. En -570, les Chypriotes demandent aux Perses de les délivrer. Ces derniers en profitent pour assurer leur mainmise sur l'ile. Par la suite, les Chypriotes soutiennent Alexandre le Grand pour les débarrasser de ce nouvel envahisseur. A la mort du conquérant, l'ile revient à Ptolémée et se retrouve de nouveau rattachée à l'Egypte. En -58, les Romains conquièrent l'ile. Son climat favorable en fait un lieu de villégiature très prisé de l'aristocratie. De somptueuses villas fleurissent un peu partout.
Au Ier siècle, Saint Barnabé, natif de l'ile, évangélise Chypre avec l'aide de Saint-Paul. L'Eglise chypriote est très prolifique. Elle est placée sous la direction de l'archevêque de Salamine, qui se retrouve souvent en concurrence avec le patriarche d'Antioche.

De Byzance à l'indépendance
A la chute de Rome, Chypre est rattachée à l'empire byzantin qui la protège des raids arabes. Lors du schisme, l'ile se convertit à la religion orthodoxe. De nombreux monastères sont bâtis.
En 1191 lors de la 3e croisade, une violente tempête force Richard Cœur de Lion à faire escale à Chypre. Au bout d'un mois, il fait prisonnier le gouverneur et donne l'ile aux Templiers. Par son administration, les chevaliers francs se mettent à dos la population.
En compensation de la perte du royaume de Jérusalem, Richard Cœur de Lion donne Chypre au Français Gui de Lusignan qui se fait couronner. Le nouveau roi défend l'indépendance de Chypre, surtout lors de la croisade de l'empereur germanique Frédéric. A la fin du XIIIe siècle, les croisés et les Francs fuyant le Proche-Orient s'y réfugient. Au siècle suivant, Pierre Ier tente de ressusciter l'esprit des croisades en attaquant Alexandrie. Par cette action, il s'attire la colère de Gênes qui possédait des comptoirs dans la ville. En représailles, les Génois envahissent Famagouste, le principal port de l'ile et pillent Nicosie la capitale. En 1426, les Mamelouks d'Egypte se vengent à leur tour en ravageant l'ile. Ils capturent et emmènent au Caire le roi Janus Ier. Suite à cette défaite militaire, la population, restée grecque et orthodoxe, se désolidarise de ses dirigeants catholiques et de culture franque. Pour pallier ce désamour, Jean II épouse Hélène Paléologue, une princesse byzantine. La nouvelle reine milite pour la religion orthodoxe et la langue grecque. Jacques II, le bâtard de Jean II, renverse sa demi-sœur Charlotte avec l'aide militaire des Mamelouks. Il épouse Catherine Cornaro, issue d'une riche famille vénitienne. Ce mariage scelle l'alliance entre Chypre et Venise conte l'ennemi commun génois. Avec le soutien financier de la Sérénissime, il chasse les Génois de Famagouste, avant de se débarrasser des Mamelouks. A la mort de son mari, Catherine est contrainte d'abdiquer et de transférer la souveraineté à Venise.

Forteresses vénitiennes et province ottomane
Chypre devient le joyau de l'empire vénitien et le dernier bastion chrétien face à l'irrésistible avancée ottomane. L'île se couvre de forteresses et les villes se dotent de remparts. Toutes ces précautions n'empêchent pas Selim II de se rendre maitre de l'île en 1571. Le massacre de la garnison de Famagouste, qui s'était rendue, provoque une vive émotion en Europe.
Chypre devient une province ottomane. 20.000 Turcs gèrent les 160.000 Chypriotes. Les Turcs déplacent les populations pour s'adjuger les meilleures terres se situant au Nord. C'est la naissance de la bipartition de l'île, qui perdure encore de nos jours. Les Ottomans conservent l'église chypriote. L'archevêque de Nicosie devient le seul représentant officiel du peuple chypriote. Il a la possibilité de s'adresser au sultan. A début du XIXe siècle, Chypre profite de la guerre d'indépendance grecque pour se révolter à son tour. La situation est différente et cette tentative est très vite et violemment réprimée.

Protectorat britannique
L'ouverture du canal de Suez et le déclin de la puissance ottomane conduisent les Britanniques à reconsidérer le rôle stratégique de Chypre. En échange d'un pacte de défense, Istanbul cède Chypre à Londres, qui devient un protectorat britannique. Lors de la Première guerre mondiale, l'Empire ottoman rejoint le camp de la Triple Alliance. En représailles, les Britanniques annexent l'île. En 1931, les Chypriotes se soulèvent. Londres instaure un régime d'exception et exile les évêques et les aristocrates. Le gouverneur concentre tous les pouvoirs. Lors de la Deuxième guerre mondiale, les Chypriotes combattent tout de même aux côtés des Alliés.
En 1950, Monseigneur Makarios III devient le chef des revendications d'indépendance. Le général Grivas prend la tête de l'organisation armée EOKA. Une guerre civile éclate. La Grèce soutient le mouvement, tandis que la Turquie s'y oppose. Le 11 février 1959, les accords de Zurich donnent naissance à la République de Chypre qui est officiellement proclamée le 16 janvier 1960. Le Royaume-Uni conserve deux bases militaires.

Une île divisée
La nouvelle constitution prévoit des instances à égalité de membres entre les communautés grecque et turque. Les tensions sont vives. Avec Athènes et Ankara comme soutien, aucun parti n'est prêt à faire de concessions. En 1974, le pays est au bord d'une nouvelle guerre civile. L'extrême-droite chypriote soutenue par des militaires grecs parvient à s'emparer du pouvoir. La Turquie envoie une force armée qui reconquiert rapidement la moitié nord de l'île où réside la communauté turque. L'ONU dépêche des unités pour maintenir la paix. Une ligne passant par Nicosie coupe l'île en deux. Il s'agit d'une véritable frontière avec des points de contrôle et séparant deux Etats. La république de Chypre occupe la partie sud de l'île. Il s'agit d'un Etat reconnu par la communauté internationale et membre de l'Union européenne depuis 2004. La république turque de Chypre du Nord est un Etat fédéré à la Turquie qui est le seul Etat à le reconnaitre sur la scène internationale.



En ce qui concerne la guerre d'indépendance grecque, voir l'article Histoire abrégée de la Grèce partie 3.

Sources
TexteHASSAN Delphine : Chypre, PUF, Paris, 2015, 389p.
Image : http://herald-dick-magazine.blogspot.fr/2013/11/fete-nationale-de-chypre-du-nord-le-15.html




Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles